Considéré comme le plus grand mathématicien du XXe siècle, Alexandre Grothendieck a habité Villecun (Hérault), au-dessus de Lodève, au début des années 80, dans une maison où il vivait ce qu’on appellerait aujourd’hui la décroissance, se chauffant au bois, s’éclairant à la lampe à pétrole.
C’est là que Pascal Poot est aujourd’hui installé, dans les bottes de cet aïeul exceptionnel qui lui faisait la classe, petit. Il se souvient de n’avoir pas pigé grand-chose aux leçons du beau-papi. « Il pouvait nous faire un cours sur la diffusion de la lumière à travers une courge ».
Quand il rachète les terrains alentours, il y a 30 ans, il n’y pousse que thym, genêts et chardons. On dit de lui : « C’est un fou qui essaie de faire pousser des légumes sans eau ». C’te bonne blague !
Le pire, c’est qu’il n’en a jamais douté. A 5 ans, il sème déjà des graines. Un collectionneur, copain de son père, offre au fiston des grains de blé, provenant d’une pyramide, datant de plus de 2000 ans. « Ils donnaient des épis en forme de pyramide », se souvient-il. A quoi tient une passion ?
Cinquante ans plus tard, Pascal Poot campe un Alexandre Grothendieck de la semence tout à fait vraisemblable. Il peut parler des heures de physique quantique ou d’astrophysique et a la tête pleine d’hypothèses qu’il formule dans des revues scientifiques. Ses vidéos sont devenues virales avec le boom de la permaculture. « Il y a des bonnes femmes qui veulent se cloner avec moi », se marre Pascal. Rachel, sa compagne, ça ne la fait pas rire.
Barbu, sans âge, sortant peu, l’homme cultive la décroissance autant que ses semences. La ferme, d’ailleurs, est restée dans son jus. Le poêle à bois, l’autonomie énergétique, le bio à tous les repas, 50 hectares de terres au milieu de nulle part où il cultive 150 variétés de tomates anciennes, autant de légumes.
Ses semences lui ressemblent. Élevées à la dure, en plein air, sans eau, sans produits phytosanitaires, elles résistent à tous les temps, toutes les maladies, comme les mauvaises herbes « parce que personne ne s’en est occupé et qu’elles ont dû s’adapter ».
Si vous tapez Semences anciennes sur internet, son nom sort au côté de Kokopelli, une notoriété qui lui vaut de doubler ses ventes chaque année. Quand la production peut suivre. « L’année où on a ouvert le site, toute la récolte est partie en 2 mois ».
Le succès est mérité. Ses variétés non trafiquées contiennent 20 fois plus d’antioxydants, de vitamines et de polythénols que les hybrides, vendues au catalogue officiel, et jusqu’en juin dernier, seules autorisées à être commercialisées en France. Pascal les appelle « des clones, des zombies dépourvues de capacités d’adaptation, sélectionnées soi-disant pour leur productivité, en réalité calibrées pour dépendre des engrais et du phosphate fournis par les mêmes multinationales, Monsanto alias Bayer et d’autres ».
Lui ne mange pas de ces graines-là. « Quand ça m’arrive, je me sens tout mou ». Anti-lobby, antisystème, hors-la-loi pendant longtemps, il n’a jamais mâché ses mots. «75% du marché mondial des semences est contrôlé par 10 multinationales, les mêmes fournissent les engrais, fabriquent les médicaments et financent la recherche ».
Certains de ses détracteurs se sont quand même aventurés dans ses stages. « C’est marrant de les voir débarquer, poser des questions, puis admettre qu’ils se trompent ». Marrant ? Sauf quand il faudra qu’on l’admette tous : le phosphate, outrageusement utilisé dans l’agriculture intensive, se raréfie sur la planète. En cas de pénurie, les semences industrielles n’ont plus d’avenir. Elles ne peuvent pas se passer d’engrais phosphatés contrairement aux semences anciennes. Qui alors criera famine ? Dans la fable de la Fontaine, c’est la cigale, mais dans le futur, ça pourrait bien être les fourmis.
Si ça vous dit, son site est ici : www.lepotagerdesante.com